Un article de Étienne Godinot, vice-président de l’Institut de recherche sur la résolution non-violente des conflits (IRNC) dans le journal La Croix mérite la lecture.
Extrait :
Réveiller la défense européenne
Au total, la doctrine nucléaire française est « la réaffirmation de dogmes éculés et des contradictions constantes d’une politique de défense rendue impuissante par l’endormissement de l’esprit de défense imputable à la dissuasion nucléaire. » La France a développé – après 210 essais nucléaires atmosphériques ou souterrains dont il faut maintenant réparer les dégâts politiques, sanitaires et environnementaux – une force de frappe inefficace, dangereuse, illégale, antidémocratique, démobilisatrice, immorale et ruineuse.
À cause du refus par la France, en 1954, du projet de Communauté européenne de défense, torpillé par le général de Gaulle, nous avons perdu 70 ans dans la construction d’une politique européenne de défense. Les pays de l’UE doivent maintenant dans l’urgence harmoniser leurs armements conventionnels et leurs munitions pour pouvoir aider efficacement l’Ukraine. Cette harmonisation et surtout la renonciation de la France à la force de frappe nucléaire entraîneront une réduction considérable des budgets de défense.
Encourager la dissuasion civile
En complément à la défense conventionnelle européenne, il importe de rendre la population civile actrice à part entière de la défense. Les stratégies civiles de défense fondées sur la non-collaboration visent à rendre la société « insaisissable » par un agresseur potentiel ou un dictateur en interne : économiquement inexploitable, politiquement ingouvernable et psychologiquement « insoumettable », et à exercer une véritable dissuasion civile contre un pouvoir totalitaire.
Parallèlement, il est urgent de développer les missions d’intervention civile de paix entre les belligérants dans les conflits locaux et les guerres civiles ou internationales. Ces missions non-violentes d’observation des violations des droits humains, de protection de personnes menacées, d’interposition et de médiation, menées par des équipes internationales mandatées et formées, du type Peace Brigades International ou Nonviolent Peaceforce, ont pour objectif, dans un premier temps, de séparer les belligérants, et dans un deuxième temps de les réunir autour d’une table, puisque ce sont eux qui devront trouver une solution politique à leur conflit. Très efficaces pour un coût minime, elles sont encouragées par l’ONU, l’OSCE, l’UE, mais elles manquent cruellement de moyens.
Élargir la politique de défense
Parmi les étapes de la nouvelle politique de défense de la France, son adhésion au traité sur l’interdiction des armes nucléaires (Tian), le respect de ses obligations dans le cadre de l’article 6 du traité de non-prolifération (TNP) et donc l’arrêt des simulations d’essais nucléaires (Valduc près de Dijon et Laser Mégajoule près de Bordeaux). La sécurité se situe aussi dans le champ de l’informatique et de la cybernétique, de la souveraineté alimentaire et énergétique, de l’écologie.
Voir sur le site de l’IRNC
La dissuasion civile
L’ouvrage La dissuasion civile (épuisé) a été rédigé en 1985 par Christian Mellon, Jean-Marie Muller et Jacques Sémelin sur une commande de Charles Hernu, ministre de la Défense et publié par la Fondation pour les Études de Défense Nationale (FEDN)
La défense civile non-violente est une politique de défense contre toute tentative de déstabilisation, de contrôle ou d’occupation de notre société, conjuguant, de manière préparée et organisée, des actions non-violentes collectives de non-coopération et de confrontation avec l’adversaire, en sorte que celui-ci soit mis dans l’incapacité d’atteindre les objectifs de son agression (influence idéologique, domination politique, exploitation économique).
En d’autres termes, il s’agit de rendre la société insaisissable ou “indigérable” par un agresseur : incontrôlable politiquement, “insoumettable” idéologiquement, inexploitable économiquement. Il s’agit aussi de dissuader l’agresseur de s’attaquer à cette société, parce que les coûts qu’il risquerait de subir seraient supérieurs aux gains qu’il pourrait espérer, et parce qu’il prendrait des risques pour son propre pouvoir : c’est la dissuasion civile.
Cette résistance repose sur une bonne articulation entre la résistance des pouvoirs publics et celle de toute la société civile.
La revue trimestrielle Alternatives non-violentes, en avril 1986, a publié des points de vue de diverses personnalités après la publication de l’ouvrage, saluée par certains comme « un évènement ». Parmi les militaires, les généraux Dominique Chavanat, Claude Le Borgne, Georges Buis, Étienne Copel, Jean Delaunay, le contre-amiral Olivier Sevaistre.
L’ouvrage reprend et développe d’autres études réalisées auparavant.