Lettre ouverte de René Louail et Anne-Marie BOUDOU, pour le groupe Europe Écologie Les Verts au Conseil régional de Bretagne / Europa Ekologiezh Ar re C’hlas.
Madame la Ministre,
Le Pacte électrique breton est composé de trois volets : maîtrise de la demande en électricité, production d’énergie renouvelable et sécurisation de l’approvisionnement électrique régional. Nous soutenons fortement les orientations des deux premiers piliers de ce Pacte qui sont en adéquation avec les objectifs de transition énergétique portés par le Président de la République et le gouvernement.
Le troisième volet, qui prévoit la construction d’une centrale à cycle combiné gaz (CCCG) de 400 MW en Nord Finistère, est par contre en totale contradiction avec les enjeux économiques, sociaux et environnementaux auxquels il nous faut aujourd’hui répondre.
Nous sommes opposés à sa mise en oeuvre.
Le Pacte électrique justifie la construction de cette nouvelle centrale par les menaces affichées de « black-out » liés aux pics de consommation électrique les jours de grand froid et par l’augmentation de la consommation, en particulier due à celle de la population, qui ne pourrait être limitée qu’au tiers de la croissance tendancielle. Or, ces pics proviennent essentiellement du chauffage électrique, dont la France s’est fait une spécialité. Ce mode de chauffage, le plus onéreux, participe à la précarité énergétique des ménages.
Dans la dernière édition 2013 des Chiffres clés de l’énergie en Bretagne (GIP Bretagne Environnement), on peut lire : « Le chauffage est le premier usage de l’électricité en Bretagne. (…). La Bretagne comptait, en 2010, 37% de résidences principales chauffées à l’électricité contre 32% au niveau national ». La solution n’est donc pas dans la construction d’un moyen de production supplémentaire, mais dans la concrétisation d’un modèle énergétique fondé sur la sobriété, l’efficacité énergétique et les énergies renouvelables. Ces secteurs économiques sont fortement créateurs d’emplois non délocalisables et peuvent participer au redressement industriel de notre pays.
Il est donc temps que la France prenne le train de l’énergie du 21ème siècle et mette en oeuvre une politique au services de tous.
La programmation pluriannuelle des investissements de production (PPI) 2009 a fixé un objectif de 10 tranches au gaz à l’horizon 2012 en France. Au 1er janvier 2013 cet objectif était dépassé, puisque 13 groupes de CCCG étaient en activité. Depuis, GDF-Suez a annoncé la mise « sous cocon » pour une période indéterminée de deux groupes et l’arrêt, en été, de deux autres, dont celle de Montoir-de-Bretagne qui alimente la région Bretagne. Par ailleurs, celle de Pont-sur-Sambre (Nord Pas de Calais) est en procédure de sauvegarde depuis mars 2012 et la toute nouvelle centrale de Toul, a peine mise en service, a été arrêtée.
De plus, sur le plan technologique, ces centrales, ont un rendement de l’ordre de 55 %. Il est certes supérieur à la génération précédente de centrale gaz, mais ce sont malgré tout 45 % de gaz qui sont gaspillés puisque non convertis en électricité. Ainsi, alors que la France importe 98 % de son gaz, que le déficit de sa balance commerciale est largement causé par les importations d’énergies fossiles, un tel développement de CCCG ne fera qu’aggraver la dépendance énergétique de notre pays et exercer une pression accrue sur l’accès à la ressource, ce qui n’est pas sans conséquence au plan économique, écologique et géopolitique.
Par ailleurs, toutes les CCCG en service fonctionnent moins de 3 500 heures par an et pour la plupart en dessous de 1 700 heures. Or, leur utilisation n’est pas rentable à moins de 4 000 heures.
Le projet de centrale gaz de Landivisiau en nord Finistère est définie par le Pacte électrique breton comme un outil censé permettre de répondre au phénomène de pointe électrique que connaît la Bretagne. Par ailleurs, le contrat avec Direct Energie-Siemens prévoit un versement de 40 millions d’euros par an sur 20 ans, soit 800 millions, en cas de non rentabilité de la centrale.
La pointe de consommation étant estimée par EDF à 120 heures annuelles, on imagine mal que ce projet de centrale puisse atteindre son seuil de rentabilité. La probabilité est ainsi extrêmement forte pour que cette somme soit versée chaque année. Elle sera payée par les abonnés au gaz de toute la France par l’intermédiaire de la CSPE. Cette contribution, tant décriée par certains, qui devrait en priorité être consacrée au développement des filières d’énergies renouvelables, en particulier pour accélérer la mise en oeuvre des projets en cours d’énergie marines et investir dans la perspective d’autres unités : éoliennes off shore ancrées comme au large de Saint Brieuc, éoliennes flottantes, hydroliennes…
Le collectif Gaspare, qui regroupe plusieurs associations et mouvement politique, a élaboré, avec l’aide d’un bureau d’études, un scénario électrique alternatif breton pour la période 2011-2025 qui démontre qu’il est tout à fait possible de satisfaire les besoins de la Bretagne sans construire de centrale à gaz. Il a été rendu public le 18 janvier 2013 et, depuis, présenté et étudié auprès de diverses instances. A l’occasion, Monsieur Michel Cadot, Préfet de Région, avait salué, par voie de presse, la qualité de ce travail et reconnu la légitimité du Collectif GASPARE. Les conclusions de ce Scénario ont amené le Collectif à demander une mise à jour du Pacte électrique breton.
De plus, l’avis délibéré et tant attendu du 25 juin 2014 de l’Autorité environnementale sur l’installation de cette centrale à gaz et ses raccordements vient d’être publié. Les nombreuses recommandations qu’il contient révèlent déjà des manques dans “l’étude d’impact unique réalisée sur le programme de travaux que constituent les projets de construction d’une centrale à cycle combiné gaz à Landivisiau par la compagnie électrique de Bretagne (CEB), de son raccordement par liaison souterraine de 18,3 km à 225 000 volts au réseau électrique sur le poste RTE de La Martyre, et de son raccordement sur 20 km au réseau de transport de gaz par GRTgaz”.
Ainsi, au vu de ces éléments, il nous apparaît urgent d’avoir un véritable débat sur l’opportunité et les conséquences de l’implantation des centrales électriques, notamment en termes de sécurité énergétique, de pérennité des services publics du gaz et de l’électricité, et de maîtrise des émissions de gaz à effet de serre.
En conséquence, nous vous demandons un moratoire sur le projet de construction d’une centrale à cycle combiné gaz de Landivisiau.
La transition énergétique pour sortir des énergies fossiles (pétrole, gaz, charbon, uranium) est aussi possible en Bretagne au bénéfice de l’intérêt général. L’État et la Région Bretagne s’honoreraient de s’y engager dès maintenant par cette décision et une accélération des deux autres volets du Pacte électrique breton.
René Louail et Anne-Marie BOUDOU,
pour le groupe “Europe Écologie Les Verts / Europa Ekologiezh Ar re C’hlas” au Conseil régional de Bretagne.
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Centrale de Landivisiau. Lettre ouverte des écologistes à Ségolène Royal
Le télégramme : 17 juillet 2014
Dans une lettre ouverte adressée, hier, à Ségolène Royal, ministre de l’Écologie, du Développement durable et de l’Énergie, René Louail et Anne-Marie Boudou, élus du groupe Europe Écologie Les Verts au conseil régional de Bretagne, demandent un moratoire sur le projet de centrale électrique à cycle combiné gaz à Landivisiau. « Le Pacte électrique breton est composé de trois volets : maîtrise de la demande en électricité, production d’énergie renouvelable et sécurisation de l’approvisionnement électrique régional. Nous soutenons fortement les orientations des deux premiers piliers (…) en adéquation avec les objectifs de transition énergétique portés par le président de la République et le gouvernement. Le troisième volet, qui prévoit la construction d’une centrale à cycle combiné gaz (CCCG) de 400 MW en Nord-Finistère, est, en revanche, en totale contradiction avec les enjeux économiques, sociaux et environnementaux auxquels il nous faut aujourd’hui répondre », déclarent les signataires. « Le Pacte électrique justifie la construction de cette nouvelle centrale par les menaces affichées de “black-out” liés aux pics de consommation électrique les jours de grand froid et par l’augmentation de la consommation, en particulier due à celle de la population, qui ne pourrait être limitée qu’au tiers de la croissance tendancielle. Or, ces pics proviennent essentiellement du chauffage électrique (…). Ce mode de chauffage, le plus onéreux, participe à la précarité énergétique des ménages. Le chauffage est le premier usage de l’électricité en Bretagne. La solution n’est donc pas dans la construction d’un moyen de production supplémentaire, mais dans la concrétisation d’un modèle énergétique fondé sur la sobriété, l’efficacité énergétique et les énergies renouvelables ». En conclusion, les élus citent le récent avis de l’Autorité environnementale sur ce dossier, qui révèle « déjà des manques dans “l’étude d’impact unique réalisée sur le programme de travaux (…)”. Il nous apparaît urgent d’avoir un véritable débat sur l’opportunité et les conséquences de l’implantation des centrales électriques (…) ».
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