Au moment où cinq drones sèment la panique au dessus de l’Ile-Longue, il est bon de se rappeler le choix des tenants de la “dissuasion nucléaire” de ne pas protéger la population.
Alors que la population de l’Ukraine est écrasée sous les bombes russes et que Poutine menace l’Europe d’une escalade, la preuve est faite que le prétendu “équilibre nucléaire” ne dissuade pas d’une guerre d’agression en Europe.
Comment alors ne pas nous interroger sur l’absence de protection de la population en France. Ceci d’autant plus que les nouvelles armes utilisées contre l’Ukraine, comme dans les autres guerres qui se mènent au même moment dans le monde, visent d’abord les populations civiles et les infrastructures nécessaires à leur survie.
Sommes nous protégés ? C’était déjà la question que posaient deux sénateurs, le gaulliste Raymond Marcellin et le centriste Edouard Bonnefous, dans leur rapport de 1980 «sur le niveau de protection de la population civile française en temps de crise». Ils y constataient que la logique de la stratégie de dissuasion nucléaire avait conduit « non seulement à ne pas s’organiser en vue d’une éventuelle agression nucléaire mais à considérer que le faire serait porter atteinte à la crédibilité de la dissuasion. » Or ajoutaient-ils « l’élément de sécurisation le plus directement ressenti comme effectif par la population, c’est la possibilité de se mettre à l’abri, soit des destructions conventionnelles, soit des agressions nucléaires, soit des agressions chimiques ou bactériologiques » La crainte du moment étant de nature nucléaire ils proposaient la mise en construction rapide « d’abris anti-souffle » dans les « points sensibles de notre défense». Ainsi que « d’abris anti-retombées » au profit « des populations à l’écart des points d’impact éventuels ».
La proposition était reprise en 1982 par Pierre Mauroy, premier ministre socialiste de François Mitterrand, par une directive dans laquelle il était décidé que «dans les villes de plus de 50 000 habitants, toutes les constructions publiques ou privées neuves et devant abriter 100 personnes ou plus, seront équipées d’abris anti-souffle. Dans les villes où la population est comprise entre 10 000 et 50 000 habitants, toutes les constructions publiques ou privées neuves et devant abriter 100 personnes ou plus, seront équipées d’abris anti-retombées renforcés ».
Plus de quarante ans plus tard force est de constater que la circulaire n’a reçu aucune application et qu’aucun abri n’est prévu en France, contrairement à la plupart des pays européens, pour abriter la population dans le cadre d’un conflit tel que celui que subit l’Ukraine en ce moment. Et ceci alors même que l’éventualité d’une telle agression semble pouvoir nous concerner dans un avenir proche si on en croit les récents propos de la hiérarchie politique et militaire française.
Pourtant en quarante ans le territoire français a vu augmenter le nombre de « points sensibles » constituant des cibles potentielles. Déjà, en 1980, les deux sénateurs les signalaient en précisant même que « Les entreprises publiques qui, tel Électricité de France, introduisent localement des éléments de risque, comme l’implantation de centrales nucléaires pouvant constituer des cibles privilégiées, devraient supporter le coût de la protection des populations.»
Nos dirigeants politiques et militaires, le chef de l’État en premier lieu, s’efforcent de préparer l’opinion à un éventuel conflit sur notre sol. La priorité ne devrait-elle pas être plutôt de s’interroger le bien-fondé de la doctrine de “dissuasion nucléaire” et sur le choix qui a été fait de ne pas protéger l’ensemble de la population française que cette décision a entraîné.
Au moment où la COP30 s’est inclinée devant les groupes pétroliers en refusant d’acter la sortie des énergies fossiles, nous proposons ici, en quelques dates, la saga de la centrale climaticide de TotalEnregies à Landiviau. Une histoire qui se termine par la vente par TotalEnergie de 50% de ses parts à un fonds d’investissement espagnol et par la fuite de tous ses promoteurs au moment de l’inauguration de la centrale ce qui lui vaudra le nom de “Centrale de la Honte“.
Décembre 2010. Le Pacte électrique Breton.
Signé le 14 décembre 2010 : « Pour répondre durablement aux défis auxquels la Bretagne se trouve confrontée en termes de sécurisation de son alimentation électrique dans les années à venir, I’Etat, la Région Bretagne, RTE, I’ADEME et I’ANAH se sont mis d’accord sur le contenu du présent pacte dont ils sont signataires indissociables. »
Parmi leurs engagements : « L’implantation d’un nouveau moyen de production classique au nord-ouest de la Bretagne, de type cycle combiné gaz (CCG), à haute performance énergétique, fonctionnant dans le cadre du marché électrique, d’une puissance d’environ 450 MW, avec une localisation la plus pertinente se situant dans l’aire de Brest »
28 février 2012. Choix de Direct-Energie.
L’appel d’offre pour la construction de la centrale comportait la clause suivante :
“Dans le cadre du présent appel d’offres, le producteur touchera une prime fixe annuelle PT, calculée comme le produit de la puissance active garantie Pgar et d’une prime P exprimée en €/MW/an. Cette prime fixe est destinée à couvrir uniquement les surcoûts liés à la localisation de l’installation, à l’acheminement du gaz et à la date prévue de mise en service.”
Le projet « Réussir ensemble » de l’entreprise Direct Energie : « a été classé premier, avec un écart important par rapport aux autres candidats, au titre du critère de la prime fixe demandée pour couvrir les surcoûts liés à la localisation de l’installation, à l’acheminement du gaz et à la date de mise en service »
Elle se voyait ainsi attribuer une prime estimée à 40 millions d’euros par an pendant 20 ans renouvelables pour la construction d’une centrale électrique à gaz à Landivisiau.
Un Le Drian qui fera profil bas quand cette histoire s’achèvera. (voir le fin)
13/11/2015. Consultation de la Commission européenne.
L’attribution de la prime nécessitait l’approbation de la Commission Européenne en charge de la politique de la concurrence. Celle-ci émettait un avis, le 13/11/2015, concernant le fait que la centrale de Landivisiau pouvait, ou non, être considérée comme un « Service d’intérêt économique Général »
Cet avis se concluait par la formule :
« Par conséquent, la mesure ne semble pas être susceptible de garantir la réalisation de l’objectif qu’elle poursuit et, donc, d’être qualifiée de SIEG/d’obligation de service public. Au contraire, elle risque d’aggraver la situation dans la région et de donner lieu à une intervention réglementaire permanente. Pour ces raisons, la mesure ne semble pas être conforme au principe de proportionnalité. »
Voir ci-dessous l’ensemble des motifs de cette appréciation qui vont dans le sens d’une non conformité de la demande de prime au regard des la législation européenne.
(69)
La première condition établie par l’arrêt Altmark prévoit la définition de la mission d’un SIEG (11). Alors que le traité n’apporte pas de définition de SIEG, ce dernier répond à la définition de l’article 106, paragraphe 2, du traité. Il est constant que le SIEG doit revêtir un intérêt économique général qui présente des caractéristiques spécifiques par rapport à celui que revêtent d’autres activités de la vie économique (12). Il résulte ainsi de l’article 106, paragraphe 2, du traité que les entreprises qui assument la gestion de SIEG sont des entreprises chargées d’une “mission particulière”. En règle générale, une “mission de service public particulière” implique la prestation d’un service qu’un opérateur, s’il considérait son propre intérêt commercial, n’assumerait pas ou n’assumerait pas dans la même mesure ou dans les mêmes conditions.
(70)
Bien que les États membres disposent d’un large pouvoir d’appréciation quant à la définition de ce qu’ils considèrent comme un SIEG bénéficiant d’une compensation, la Commission doit vérifier que l’État membre n’ait pas commis d’erreur manifeste d’appréciation dans cette définition.
(71)
Certes, plusieurs arrêts de la Cour et décisions de la Commission ont reconnu que la sécurité de l’approvisionnement en électricité permettait de justifier l’institution d’un SIEG (13). Toutefois, dans le cas d’espèce, la Commission doute que l’installation et l’exploitation de la centrale de Landivisiau soient susceptibles d’être qualifiées de SIEG.
(72)
Premièrement, les autorités françaises n’ont fourni aucun élément montrant qu’il y a eu un problème de sécurité d’approvisionnement en électricité en Bretagne dans le passé, même pas en cas de températures exceptionnellement basses telles que celles enregistrées en hiver 2012, pour lequel un déficit de capacité d’environ 300 MW était prévu (voir le schéma 6 ci-dessus).
(73)
Deuxièmement, les États membres ne peuvent assortir d’obligations spécifiques de service public à des services qui sont déjà fournis ou peuvent l’être de façon satisfaisante et dans des conditions (prix, caractéristiques de qualité objectives, continuité et accès au service) compatibles avec l’intérêt général, tel que le définit l’État, par des entreprises exerçant leurs activités dans des conditions normales de marché (14).
(74)
La Commission considère que des entreprises exerçant leurs activités dans des conditions normales de marché auraient pu fournir la capacité nécessaire pour garantir la sécurité d’approvisionnement en Bretagne, si la France n’avait pas mis en œuvre des mesures règlementaires, notamment la définition d’une zone tarifaire unique pour l’ensemble du territoire français, qui empêchent les prix de l’électricité d’envoyer les bons signaux pour inciter des investissements en capacité dans la région.
(75)
Les autorités françaises elles-mêmes reconnaissent qu’une des raisons pour lesquelles le marché est défaillant pour atteindre le niveau de sécurité d’approvisionnement souhaité est que les rémunérations apportées par les différents marchés (énergie, capacité, etc) ne sont pas déclinées géographiquement à l’échelle de la Bretagne et ne peuvent donc pas traduire la demande existante pour une capacité en Bretagne en une incitation au développement d’une capacité en Bretagne. En résumé, il n’y a pas de “marché breton de l’électricité”, qui envoie les bons signaux d’investissement.
(76)
Troisièmement, la mesure en question ne semble pas satisfaire les dispositions de l’article 3, paragraphe 2, de la directive 2009/72/CE concernant les règles communes pour le marché intérieur de l’électricité (“la directive Electricité”) (15), qui prévoit que les obligations de service public qui portent sur la sécurité d’approvisionnement doivent être non discriminatoires. Ces exigences supplémentaires résultant de la législation sectorielle de l’Union, tel que la directive Electricité, doivent être prises en compte par la Commission dans son appréciation des obligations de service public établies par un État membre (16).
(77)
Or, la mesure en espèce est discriminatoire à l’égard d’autres technologies que le CCG. Les autorités françaises reconnaissent elles-mêmes que la mesure n’est pas neutre du point de vue technologique et que d’autres technologies, comme les TAC au gaz ou au fioul auraient aussi été en mesure de résoudre le problème allégué en termes de sécurité d’approvisionnement.
(78)
Il résulte ainsi des termes mêmes de l’article 106 du traité que les obligations de service public que l’article 3, paragraphe 2, de la directive Electricité permet d’imposer aux entreprises doivent respecter le principe de proportionnalité (17). En vue de répondre à ce critère, la mesure qui impose de telles obligations doit être susceptible de garantir la réalisation de l’objectif qu’elle poursuit et ne pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour qu’il soit atteint.
(79)
Il convient dès lors d’examiner si une mesure telle que celle mise en œuvre par la République française est appropriée pour garantir la réalisation de l’objectif invoqué, à savoir la sécurité d’approvisionnement en électricité en Bretagne sans aller au-delà de ce qui est nécessaire.
(80)
En effet, la Commission a des doutes sur la proportionnalité de la mesure. Premièrement, la Commission a des doutes sur la nécessité d’installer en Bretagne un moyen de production d’environ 450 MW, étant donné que les autorités françaises n’ont pas fourni des données précises sur la quantité de capacité manquant en Bretagne (voir aussi le considérant 72 ci-dessus) et que, en tout cas, cette capacité aurait pu être apportée par exemple par des effacements combinés avec d’autres moyens de production d’une puissance inférieure à celle requise dans le cadre de l’appel d’offres.
(81)
Deuxièmement, en supposant qu’il y ait effectivement un problème en termes de sécurité d’approvisionnement en Bretagne, ce qui n’a toutefois pas été suffisamment démontré par les autorités françaises (comme expliqué au considérant 72 ci-dessus), l’appel d’offres pourrait y remédier à court terme, mais est de nature à aggraver le problème à long terme.
(82)
Cela peut se produire pour trois raisons principales. Tout d’abord, l’appel d’offres est de nature à fermer le marché de l’électricité aux investissements qui ne bénéficient pas d’un soutien de l’État. En effet, il pourrait réduire la confiance des investisseurs, qui pourraient différer des investissements futurs afin de bénéficier d’appels d’offres additionnels. La mesure en question pourrait donc rendre tous les futurs investissements en Bretagne dépendants de futurs appels d’offres.
(83)
Il apparaît ensuite que le manque allégué de capacité est également le résultat de mesures réglementaires, par exemple celle d’empêcher l’augmentation des prix de l’électricité au niveau nécessaire pour attirer des investissements suffisants (missing money problem, voir considérants 74 à 75 ci-dessus). L’appel d’offres ne corrige le missing money problem que pour le producteur, et non pour les fournisseurs actuels ou futurs de capacité. En outre, l’appel offres pourrait conduire à la fermeture de capacités existantes, étant donné que la nouvelle CCG est susceptible d’être plus efficace. Il s’ensuit que la mesure pourrait aggraver le missing money problem pour les capacités existantes.
(84)
Finalement, le caractère sélectif de l’appel d’offres réduit les possibilités pour le développement d’autres technologies qui pourraient contribuer à atténuer le manque allégué de capacité en Bretagne (par exemple, effacement, interconnexion et stockage).
(85)
Par conséquent, la mesure ne semble pas être susceptible de garantir la réalisation de l’objectif qu’elle poursuit et, donc, d’être qualifiée de SIEG/d’obligation de service public. Au contraire, elle risque d’aggraver la situation dans la région et de donner lieu à une intervention réglementaire permanente. Pour ces raisons, la mesure ne semble pas être conforme au principe de proportionnalité.
Ce rapport a donné lieu à un article très détaillé dans Ouest-France :
Centrale de Landivisiau : les doutes de l’Europe
« Le projet phare du Pacte électrique breton aura-t-il le feu vert de Bruxelles ? La Commission européenne vient de rendre public un rapport qui peut laisser présager un prochain avis négatif. »
06 juillet 2018. Quand Total rachète Direct Energie.
« Paris, 06 juillet 2018, 17h30 – Total et Direct Energie annoncent la finalisation, ce jour, de l’acquisition par Total de 73,04% du Capital de Direct Energie1, sur la base d’un prix de 42 euros par action, soit pour environ 1,4 milliard d’euros. Cette acquisition, qui fait suite à la levée de l’ensemble des conditions suspensives relatives aux accords signés le 17 avril 2018 avec les principaux actionnaires de Direct Énergie, a été suivie par le dépôt par Total, ce jour, d’un projet d’offre publique obligatoire portant sur les actions Direct Energie non encore détenues par Total, au même prix par action de 42 euros. Ce projet d’offre demeure soumis à l’examen de l’AMF qui appréciera sa conformité aux dispositions législatives et réglementaires applicables. »
« Paris, 28 mai 2021 – L’Assemblée Générale Ordinaire et Extraordinaire des Actionnaires de la Société a voté ce jour, à une quasi-unanimité, la résolution visant à changer la dénomination sociale de l’entreprise. Total devient donc TotalEnergies et ancre dans son identité, sa stratégie de transformation en compagnie multi-énergies. A l’occasion de son changement de nom, TotalEnergies se dote d’une nouvelle identité visuelle. »
27 avril 2022. TotalEnergie vend 50 % des parts de la centrale de Landivisiau à un fonds d’investissements espagnol.
La vente par TotalEnergie de 50 % des parts de la Centrale de Landivisiau a été connue par des articles de presse.
Asterion adquiere un 50% de la planta Landivisiau y se convierte en accionista junto con TotalEnergies. La instalación proporciona una capacidad eléctrica significativa y estable, con tecnología de última generación y gran eficiencia térmica (27.04.2002)
Un fonds espagnol rejoint TotalEnergies en Bretagne
« Nouveau coup pour Asterion Industrial Partners. Le fonds d’investissement espagnol, qui a finalisé en février la levée de son second véhicule à 1,8 Md€ (lire ci-dessous), vient de renforcer sa présence dans l’Hexagone, en faisant l’acquisition de 50 % de la Compagnie Electrique de Bretagne (CEB) auprès de TotalEnergies. L’opération, à la structuration gardée confidentielle et intermédiée par la banque espagnole (…) »
Suite à cette information, la totalité des promoteurs institutionnels du projet étaient absents à son inauguration, ce dont rendait compte le journal Le Télégramme.
« À Landivisiau, concours de mots d’excuses pour l’inauguration de la centrale. »
La centrale de Landivisiau a été inaugurée, ce jeudi 20 octobre. Mais de nombreux élus et représentants de l’État avaient décliné l’invitation de TotalEnergies. Officiellement pour cause d’agendas déjà chargés. Leur absence interroge.
Lolors de l’inauguration de la centrale au gaz de Landivisiau, seuls les élus locaux étaient présents pour couper le ruban symbolique aux côtés de TotalEnergies. (Le Télégramme/Monique Kéromnès)
« On ne s’est pas bousculé, à la centrale de Landivisiau, pour poser sur la photo aux côtés de TotalEnergies… Pourtant, inauguration officielle oblige, tous les élus et les autorités avaient été invités, ce jeudi 20 octobre. Mais presque tous étaient absents. À commencer par la ministre de la Transition écologique, Agnès Pannier-Runacher, qui était « à Bruxelles, avec Emmanuel Macron ». Elle n’a pas été représentée. Le préfet du Finistère, Philippe Mahé, « avait autre chose à l’agenda ». Même chose pour la sous-préfète de Morlaix, Élisabeth Sevenier-Muller. Le président de la région Bretagne, Loïg Chesnais-Girard, était « pris sur la conférence jeunesse, il devait être représenté par un autre élu qui a eu un empêchement. Personne n’a pu le remplacer à la dernière minute ». Personne non plus pour représenter le conseil départemental du Finistère mais il y avait séance plénière à laquelle les élus se doivent d’être présents. Quant à la députée Graziella Melchior, prise « pour un travail en commission à l’Assemblée », elle était représentée par sa collaboratrice. Autre absent de taille, Jean-Yves Le Drian, ancien président de Région, qui a lancé le projet, et ancien ministre.[.]
Les élus locaux, emmenés par Henri Billon, président de la communauté de communes du Pays de Landivisiau, étaient bien là, eux. Et, évidemment, Laurence Claisse, maire de la ville, qui avoue sa « colère » : « J’espère avoir un jour l’explication officielle.»
Celui dont l’absence a été remarquée et qui a valu à la centrale de TotalEnergie
Qui n’a pas entendu parler de la pollution des eaux bretonnes par les nitrates et les pesticides. Qui ne sait, à présent, que le problème est général sur l’ensemble du territoire français où plus des 3/4 des ressources sont contaminées à des degrés divers. Pourtant c’est à des milliers de kilomètres de l’hexagone qu’il faut aller chercher les exemples les plus dramatiques de territoires contaminés : dans les paradis ensoleillés de la Martinique, de la Guadeloupe, de la Guyane ou de la Réunion.
Une cargaison de patates douces a alerté la métropole en Octobre 2002. A cette date les fonctionnaires de la Direction Générale de la Concurrence et de la Répression des Fraudes (DGCCRF) ont arrêté, sur le port de Dunkerque, une tonne et demie de patates douces en provenance de la Martinique et contenant des quantités importantes de Chlordécone. Cet insecticide extrêmement toxique utilisé sur les exploitations de bananes est pourtant interdit depuis 1993. Le fait que les habitants de la Martinique aient consommé ces tubercules depuis de nombreuses années n’avait alerté personne mais qu’ils arrivent sur le marché de Rungis et voilà le scandale dévoilé !
Pourtant l’information sur cette pollution était connue depuis bien des années. L’année précédente, un rapport particulièrement documenté sur la pollution de l’eau et des sols en Guadeloupe aurait mérité, lui aussi, une mobilisation médiatique.
Une alerte venue de Bretagne
Etant en 2003 membre du Comité National de l’Eau, j’ai eu l’occasion de rencontrer deux représentants du Comité de Bassin de la Guadeloupe venus présenter le “Schéma Directeur d’Aménagement et de Gestion des Eaux”, adopté par le Comité de Bassin le 19 juin 2003 et approuvé par le Préfet le 25 juillet 2003. La présentation, sans doute considérée comme une formalité administrative par la plupart des membres du Comité, n’avait attiré que peu de commentaires de leur part. Cependant un passage de leur exposé avait attiré mon attention. Il y était question de pollution par les pesticides. Très mobilisé sur la question des pesticides en Bretagne je découvrais de nouvelle molécules, chlordécone, dieldrine, HCH, et risquait une question à leur sujet. Ayant abordé les représentants de la Guadeloupe à la fin de la séance, pour plus d’informations, ils me confiaient le rapport imprimé qu’ils avaient présenté.
La fée électricité a-t-elle mis beaucoup de temps avant de trouver les chemins de la pointe de Bretagne ?
Paradoxalement, alors que le train a été tant attendu, certaines communes de Bretagne, et du Finistère en particulier, ont vu s’allumer les premières lampes électriques avant même les quartiers parisiens.
L’histoire continue à s’écrire. La fée électricité se fait parfois sorcière. La fin de ce récit nous mènera à Brennilis, à Plogoff…
La majeure partie de la loi Duplomb va être appliquée, mais l’acétamipride est interdit. Le débat sur les pesticides et les nuisances de l’industrie agroalimentaire qui avait été escamoté à l’Assemblée nationale est réapparu dans les médias, grâce une pétition largement diffusée. Des scientifiques, des médecins, des citoyens soucieux de la santé publique et de l’environnement ont pu s’exprimer. On a pu entendre, entre autres, « pesticide = cancer ». Claire Breteau a particulièrement marqué les esprits à l’Assemblée nationale, mettant en évidence l’irresponsabilité des élus de droite et d’extrême droite. Jusque là, depuis début 2024, quand les gros tracteurs de la CR et de la FNSEA bloquaient une partie du pays, c’était la propagande du lobby qui rentrait dans nos cerveaux.
Un des principaux éléments de langage prétend que « nos agriculteurs » n’ont pas d’alternative à l’acétamipride, comme il n’y avait pas d’alternative au glyphosate. En conséquence, empêcher l’utilisation de ce produit en France fera remplacer les productions de betteraves à sucre et de noisette par des importations étrangères de moins bonne qualité que les productions françaises, les meilleures au monde, évidemment. Une alternative est expérimentée depuis des dizaines d’années et fonctionne aujourd’hui dans 60.000 fermes en France, ça s’appelle l’agriculture biologique. On a vu des reportages sur des producteurs de betteraves bio, ils n’ont pas besoin de l’acétimipride, et n’utilisent ni pesticides ni engrais chimiques de synthèse. Ces derniers sont pour la plupart achetés à la Russie, fabriqués en brûlant une énorme quantité d’énergie fossile.
L’agriculture biologique, surtout en circuit court, assure la fameuse « autosuffisance alimentaire » revendiquée à tort par le lobby. Aujourd’hui, neuf millions d’hectares sont cultivés à l’étranger pour fournir la France. L’agriculture biologique supprime les élevages industriels hors sols très gourmands en soja importé, et se fournit en protéines en cultivant des légumineuses.
Depuis la fin du siècle dernier, la filière bio s’est mise en place avec ses paysans et leurs fournisseurs, les transformateurs et les distributeurs. Ainsi les consommateurs peuvent agir sur le marché par le moyen le plus efficace dans le système capitaliste : le BOYCOTT.
Le mouvement bio permet à tout le monde d’agir. Les produits issus de l’agriculture bio sont réglementés par un cahier des charges, contrôlés et clairement identifiés en bout de chaîne. Malgré tous ses avantages, la part du marché bio ne dépasse pas les 6%. Sa marge de progression est grande.
Une étude récente du Shift Project nous apprend que seulement 7% du budget du consommateur français sert à payer les produits issus de la ferme. C’est le chiffre d’affaires du paysan, ce n’est même pas son bénéfice. On peut manger moins de produits chers, comme la viande et les produits laitiers, les fruits et légumes hors saison, et diminuer les achats de produits transformés en cuisinant. C’est meilleur pour la santé. On peut acheter directement aux producteurs au marché et le reste dans les Biocoop, et éviter de fréquenter les galeries marchandes. On évite ainsi les produits que les techniciens du marketing arrivent à nous faire acheter.
Manger bio ne coûte pas plus cher, est accessible à la plupart des 90% de consommateurs qui achètent conventionnel, et peut nous faire faire des économies tout en améliorant le revenu des paysans. Mangeons bio, local, végétal, peu ou pas de viande et de produits laitiers, des produits de saison, ce n’est pas nécessaire de manger des tomates toute l’année.
Nos impôts financent à hauteur d’une quinzaine de millions d’euros le lobby agroalimentaire français. 80% des 9 milliards d’euros de la PAC (Politique agricole commune européenne) vont à 20% des agriculteurs, les plus gros.
Beaucoup d’entre eux n’ont pas un arbre, une haie, un talus, une prairie, une mare, une zone non cultivée et non bâtie sur l’ensemble de la surface de leur ferme. Ces gens-là polluent, détruisent les paysages et la biodiversité, et produisent en Bretagne 40% des gaz à effet de serre responsables du réchauffement climatique. Ils n’assurent aucun service public, ils n’ont aucune légitimité pour toucher des aides publiques. Leur discours est toujours celui de la droite et du patronat, revendiquant moins d’impôts, moins de cotisations sociales, moins de réglementations, moins d’administration.
Il serait logique que les politiques au pouvoir les laissent se débrouiller avec le marché et réservent les fonds publics aux paysans bio. Ils assurent, eux, un vrai service public, qui garantit la santé publique, la bonne qualité de l’air, de l’eau en quantité et qualité pour tous, les équilibres climatiques, les paysages, l’ensemble du patrimoine naturel, la gastronomie et les cultures rurales.
Le Nord-Finistère, en Bretagne, n’est pas particulièrement réputé pour son industrie chimique. Pourtant, depuis le 17e siècle, c’est à dire depuis le début de la chimie, une activité chimique y est menée, sans interruption, autour des algues.
L’industrie de la “soude” (carbonate de sodium) se développe d’abord. On extrait ce produit des cendres de goémons séchés. Il est indispensable à la fabrication du verre. Cette activité s’arrête à la fin du 18e siècle quand de nouveaux procédés sont découverts.
Elle reprend en 1829 après que le chimiste Bernard Courtois ait découvert, en 1812, un nouveau et utile produit dans les cendres d’algues : l’iode. L’iode est utilisée, en particulier, en photographie et en médecine. Sa production en Bretagne s’arrête en 1952 à cause de la concurrence de l’iode extrait des nitrates du Chili.
Aujourd’hui le relais est pris par l’extraction des alginates contenus dans les grandes laminaires.