Eau du Ponant. Les factures salées de la Société “Publique” Locale brestoise.
“Les quatre structures fondatrices ont considéré que la création de la société devait leur permettre de retrouver la maîtrise du service public de l’eau et de l’assainissement, auparavant délégué, dans un cadre territorial cohérent et générateur d’économies d’échelle. Mais pour l’usager, le changement d’opérateur ne s’est pas traduit par une réduction du prix de l’eau.”
Cette phrase est extraite du résumé du “Rapport d’observations définitives de la chambre régionale des comptes de Bretagne” concernant les exercices 2011 et suivants de la Société publique locale Eau du Ponant.
A Brest, SPL = Eau chère
La baisse des tarifs était l’un des arguments majeurs pour la création de la SPL. . L’estimation par les services de BMO du bilan de gestion du service de l’eau publique et de l’assainissement sur le territoire de BMO avait fait apparaître que la société privée Veolia aurait gagné 55millions d’euros en 25 ans de délégation.(voir) . L’économie de ces 2 millions de bénéfice annuels de l”entreprise privée devait logiquement permettre la baisse annoncée des tarifs.
Dans le journal des élus communistes de Brest de janvier/février 2011, Maxime Paul le “pilote” du passage en SPL l’affirmait : “La gestion publique de l’eau doit permettre une baisse du prix dès 2012”. Et pour que cela soit bien clair il ajoutait que “Les élus communistes prennent aujourd’hui l’engagement de se battre pour une baisse du prix de l’eau pour les ménages.” (souligné dans le texte).
Pourtant, sans attendre le rapport de la chambre régionale des comptes une étude de 2013 de la Confédération générale du logement (CGL), association de consommateurs, constatait, ce qui est classique, que la Bretagne reste l’une des régions où l’eau coûte le plus cher. Surtout, elle ajoutait que “Brest serait même la ville de 100.000 habitants qui afficherait les prix les plus élevés au robinet. (Pour l’année 2014, le prix du m3 d’eau facturé aux abonnés est de 4,34 euros TTC (prix moyen du m3 pour une consommation annuelle de 120 m3)
Il faut dire que l’une des premières opérations de la SPL a été la construction d’un immeuble dont le prix de 6,5M€ devait naturellement se retrouver sur les factures.
La Chambre régionale des comptes faisait d’ailleurs remarquer que “l’acquisition du siège social a été réalisée dans le cadre d’une vente en l’état futur d’achèvement (VEFA), pour un montant total de 6 471 590 € HT dont 300 000 € de frais d’équipement, sans mise en compétition formalisée par des mesures de publicité. Or, il s’agit d’un contrat onéreux au sens de l’ordonnance du 6 juin 2005. Par voie de conséquence, son attribution aurait dû respecter les procédures prévues par ladite ordonnance.”
Mise en compétition ? Mais c’est justement pour éviter la publicité sur leurs choix que les élu(e)s socialistes et UMP ont concocté de concert cette création des SPL (voir).
Une SPL à la mode Veolia.
” Qu’on se le dise, la gestion de l’eau à Brest restera globalement privée et cela nous convient. C’est d’ailleurs pour cela que nous voterons (cette délibération) “, déclarait Laurent Prunier, alors président sarkozyste de l’UMP du Finistère et tête de file de la droite à Brest BMO au moment du vote du conseil municipal en faveur de la SPL. Il est vrai que cette “société commerciale” à capitaux publics fonctionne comme ses sœurs à capitaux privés.
Les élus qui siègent à son conseil d’administration n’y sont plus au titre de leur mandat électif mais comme administrateurs percevant des jetons de présence de 300 € par séance. En 2013, ces dépenses ont représenté 14 400 €.
Ils pouvaient refuser cette rémunération et considérer que leur présence entrait simplement dans le cadre de leur fonction d’élus. L’accepter c’est reconnaître leur nouveau statut : celui d’administrateur d’une société commerciale fonctionnant suivant les mêmes règles que toutes celles, du secteur privé appartenant au même secteur économique.
D’ailleurs, la SPL Eau du Ponant ayant sous-traité la fourniture d’eau et l’assainissement à Veolia, l’ancien délégataire, elle a aligné son fonctionnement sur celui de l’entreprise privée, ce que relève la Chambre régionale des comptes.
“La gestion des ressources humaines repose sur un accord d’entreprise qui reprend pour l’essentiel les dispositions en vigueur chez l’ancien délégataire et met en place une gestion unifiée des personnels quelle que soit leur origine.
Les contrats sont construits sur une hypothèse de revalorisation annuelle des charges de personnel assez élevée, 3 % pour les deux premiers exercices et 2,50 % pour les années suivantes.
L’évolution de la masse salariale s’inscrit dans le cadre d’un quasi-statut plus favorable que celui de la fonction publique territoriale, notamment en raison des avantages sociaux, qui représentent environ 12 % de la masse salariale en 2013.
L’accord d’entreprise comporte de nombreuses rigidités se traduisant par une augmentation mécanique de la masse salariale. L’évolution de cette dernière résulte également des dispositions arrêtées dans le cadre de la négociation annuelle des salaires.
Pour 2013, cette négociation s’est traduite par une augmentation, en année pleine, égale à 1,61 % de la masse salariale, hors plan de formation. ”
Si les fonctionnaires territoriaux affectés à la SPL ont toutes les raisons de se féliciter de leur nouvelle situation, les syndicats brestois des services publics qui dénonçaient une privatisation du service de l’eau voyaient juste : ” Nous allons donc assister à des recrutements éhontés de vrais faux fonctionnaires” déclarait le délégué CGT. Même son de cloche chez FO. Cet alignement salarial et statutaire sur le privé devait naturellement se retrouver sur la facture.
Ajouter à cela que “au plan fiscal, la société, malgré son caractère exclusivement public, doit acquitter les mêmes impôts que l’ancien délégataire. En 2012, l’impôt sur les sociétés et la contribution économique territoriale se sont élevés respectivement à 638 600 € et 626 096 €.”.
On aura donc compris pourquoi avec la SPL “Eau du Ponant”, faux service public et vraie entreprise commerciale, ce sont des tarifs de l’eau augmentés.
Bien des choses encore dans ce rapport, concernant en particulier la transparence.