Marine Tondelier, militante eelv, nommée déléguée générale d’ATMO France.
C’était avant qu’elle soit connue comme secrétaire nationale des Écologistes.
(ajouté le 08/07/2024)
Militante chez Europe Ecologie-Les Verts, attachée parlementaire de la sénatrice Aline Archimbaud, puis de Cécile Duflot, la Nordiste ouvre une nouvelle page de sa vie professionnelle en devenant la nouvelle déléguée générale d’Atmo-France. Marine Tondelier a accordé un entretien au Journal de l’environnement sur sa vision du mandat qui s’ouvre.
JDLE – A 31 ans, après une carrière dans le monde politique déjà assez fournie, vous prenez la tête d’un organisme plus institutionnel, qui chapeaute les 19 Associations agréées de surveillance de la qualité de l’air (AASQA). Quel sens cela a-t-il dans votre parcours ?
Marine Tondelier – Les questions sanitaires, et plus précisément de santé environnementales, ont toujours été un fil rouge dans mon parcours. En tant que collaboratrice parlementaire au Sénat, puis à l’Assemblée nationale, j’ai eu à connaître de sujets comme l’huile de palme, l’aspartame, le diesel, les particules fines, les perturbateurs endocriniens, les pesticides…
Le moment dans lequel nous sommes est intéressant car, dans l’imaginaire collectif, la qualité de l’air est devenue un vrai sujet de santé publique. Et si on a probablement atteint un stade, toujours perfectible mais satisfaisant, quant à la surveillance de l’air, c’est le passage à l’action qui est en jeu.
Car au moment où le Conseil d’Etat, sous la pression de l’Union européenne, met l’Etat en demeure d’agir, celui-ci a besoin de partenaires fiables, neutres et indépendants qui puissent le conseiller dans ses actions. Il y a beaucoup de mythes à faire tomber sur les phénomènes qui conduisent, par exemple, aux pics de pollution. Maintenant que l’on sait quantifier les polluants dans l’air, il faut continuer à affiner leur provenance, pour pouvoir améliorer le travail sur les causes.
JDLE – Est-ce à cause d’un déficit d’information du politique que l’on tolère encore des niveaux dangereux pour la santé publique ?
Marine Tondelier – Non, car tout le monde a les informations. Il y a peut-être une peur de ne pas réussir à agir… Quand on est un politique, on est là pour agir. Mais quand on prend conscience d’un problème -par exemple, améliorer rapidement la qualité de l’air-, et qu’on n’a pas les solutions concrètes, on est tenté de ne pas trop en parler et je crains que ce soit le cas tant que les élus n’auront pas plus de moyens pour agir, que ce soit en termes budgétaires ou de compétences.
Pour aider au passage à l’action, les politiques publiques ont besoin d’être évaluées, scénarisées en amont et réévaluées en aval. Au moment où les lobbies de toute part s’organisent pour ou contre, comme lors de la fermeture des voies sur berges par exemple, on a besoin de faits objectifs qui ne puissent être remis en cause.
JDLE – Le lobby agricole est responsable d’une part importante des pollutions atmosphériques, en contribuant notamment à la formation de particules fines au printemps ou à la dissémination de pesticides. Les émissions d’ammoniac ne diminuent pas depuis plusieurs années. Que peut-on attendre des AASQA face à ce problème ?
Marine Tondelier – Nous ne sommes pas là pour accuser un tel ou un tel, d’autant que les gens font ce qu’ils sont autorisés à faire. Pour bien connaître le monde agricole [ses grands-parents étaient agriculteurs dans le Pas-de-Calais], je sais qu’ils ont des difficultés financières, et travaillent dans un cadre réglementé qu’ils estiment déjà très strict. Par ailleurs, ces personnes ont été formées d’une certaine façon, en fonction de techniques dont on leur disait qu’elles n’étaient pas dangereuses.
C’est en train de changer aujourd’hui, avec une prise de conscience facilitée par le fait que c’est justement le monde agricole qui est le plus exposé. Il y a un gros travail d’acculturation à faire avec eux. Des travaux sont en cours avec les chambres d’agriculture, et aussi avec l’Anses [qui publiera prochainement une liste d’une trentaine de pesticides les plus fréquemment détectés dans l’air, prélude à une surveillance harmonisée de leur présence par les AASQA].
JDLE – L’évolution des concentrations de polluants réglementés montre que nous revenons de loin, compte tenu des niveaux mesurés il y a encore 10 ans dans certaines zones. Dans 20 ans, dira-t-on la même chose sur l’air intérieur ?
Marine Tondelier – Ce qui est préoccupant, c’est que l’on respire cet air intérieur 80% de la journée. Une loi qui va entrer en vigueur dès 2018 rendra obligatoire, dans les lieux recevant des enfants de moins de 6 ans, dans les écoles maternelles et les écoles élémentaires, la mesure de certains polluants[1]. C’est un défi, avec une pression sociétale très forte.
Mais il ne suffit pas de dire aux gens que c’est dangereux. Il faut les informer sur ce qu’ils peuvent faire. Ce sujet est une « nouvelle frontière », avec d’un côté ce que l’on maîtrise et de l’autre des sujets que l’on possède moins, comme les pesticides, les pollens, les nanoparticules et la qualité de l’air intérieur.
JDLE – L’air devrait-il être sanctuarisé, au lieu d’être traité comme une poubelle ?
Marine Tondelier – Sur le principe, oui. Mais la question, c’est de savoir comment on fait. En 1996, la France s’est donné pour objectif que chacun respire un air qui ne nuise pas à sa santé. Vingt ans après, il est temps de passer des grandes déclarations à leur mise en œuvre effective. Je suis fière aujourd’hui de travailler à Atmo-France, aux côtés de ces acteurs qui essaient de mesurer mieux, de conseiller mieux les acteurs publics, pour qu’à la fin on ne se contente pas d’une déclaration ; mais que soient prises des mesures ayant un effet positif sur la santé des Français, sur les rendements agricoles, l’usure des bâtiments, etc.
Il faut réussir à concilier les batailles pour le climat et l’environnement avec celles pour la santé, qui souvent sont menées parallèlement. Et qu’un euro dépensé pour le climat soit un euro utile -ou en tout cas ne soit pas dépensé au détriment de la qualité de l’air.
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