Lutte contre la pollution en Bretagne : le compte n’y est pas.
“La moitié des excédents d’azote organique est résorbée” titre la presse après la récente réunion, sous la présidence de Bernadette Malgorn, préfète de région, du “Comité de suivi du plan d’action de la charte de développement de l’agriculture et pour la reconquête de la qualité de l’eau”. Un beau titre, certes, mais qu’en est-il de la réalité.
51% d’azote résorbé, nous dit-on, en précisant que, sur un objectif 43 900 tonnes d’azote organique à résorber en Bretagne, on en est arrivé à en éliminer, du moins sur le papier, 22 685 tonnes. D’autre part, nous dit-on, l’utilisation d’azote minéral a baissé de 15 000 tonnes pour un objectif prévu de 30 000 tonnes. L’ensemble ferait donc une résorption de l’ordre de 38 000 tonnes ( soit 168 000 tonnes de nitrates).
Or, que nous apprend l’excellent document publié par la Région Bretagne et la Direction Régionale de l’Environnement (DIREN) sous le titre “Chiffres clés de l’environnement en Bretagne” ? Que même si les objectifs étaient atteints nous serins loin du compte car, nous dit le rapport : “Le flux annuel d’azote sous forme de nitrates apporté par l’ensemble des rivières bretonnes dans nos eaux littorales est estimé à 110 000 tonnes (487 000 tonnes de nitrates – NO3), en année de pluviométrie moyenne” ( p28). Le rapport précise qu’en l’année 2000 ce flux était de 150 000 tonnes (664 000 tonnes de nitrates), soit près de 1,5 fois celui de la Seine dont le bassin versant est pourtant 2,5 fois supérieur à celui de la Bretagne.
Si on en croit ces chiffres donc, le jour où l’objectif de résorption de 74 000 tonnes de nitrates sera atteint, il en restera encore autant en excès qui viendront s’ajouter à la pollution déjà existante.
Mais qu’en est-il même de cette résorption partielle supposée. Le journal “Paysan breton” publie les statistiques agricoles pour 2003. On y lit, qu’après une année 2002 en hausse, la production porcine s’est stabilisée mais que dans le même temps les livraisons d’engrais azotés ont augmenté de 24%. Elles atteignaient 141 000 tonnes soit de l’ordre de 30 000 tonnes de plus qu’en 2002, soit plus des ¾ de la résorption annoncée..
Quant au paramètre nitrates dans l’eau de boisson. Son taux a baissé nous dit-on mais ces résultats sont à prendre avec des pincettes. D’abord parce que les captages les plus pollués ont été abandonnés et n’entrent plus dans la statistique. Ensuite parce que l’eau “dénitratée par traitement” prend une proportion de plus en plus grande, ensuite parce que l’extraordinaire sécheresse de 2003 est venue brouiller tous les paramètres et comme l’indique le rapport de la DIREN : ces variations sont ” très liées au contexte hydrologique de l’année” (p 39). Force est ce constater d’ailleurs que la baisse du taux de nitrates est la même sur les secteurs d’action renforcée du plan Bretagne Eau Pure et sur ceux qui ne bénéficient d’aucune mesure particulière.
Entendons nous bien. Il ne s’agit pas de dire que rien n’est fait. Vu les sommes investies, en particulier par les contribuables et les consommateurs d’eau, ce serait un comble ! Mais il faut refuser les discours anesthésiants. La directive cadre européenne nous impose de retrouver, pour 2015, un bon état écologique de l’eau de nos rivières. Cela veut dire, non seulement résorber la totalité des 100 000 à 150 000 tonnes de l’excédent de nitrates connu mais aller encore plus loin pour faire descendre cette pollution à des taux inférieurs aux 15 mg qui seront nécessaires pour endiguer la prolifération d’algues vertes, ou au minimum, dans un premier temps, inférieurs aux 25 mg du nombre guide européen.
Ce ne sont pas des discours que nous attendons de la part des représentants de l’état mais une action à la mesure des enjeux.